Je constate que la rue où je suis domicilié a changé de nom ( je ne pense pas qu'il s'agisse d'une décision du conseil municipal). A la suite de la politique d'implantation de plaques de rue bilingues, il a été posé une plaque rue/straed KERLIDEG. Bilingue, je croyais que ça voulais dire utilisant 2 langues, mais là rien en français !

On va m'objecter que Kerlidec est déjà du breton. Je regrette, mais «rue de Kerlidec», formulation française et dénomination officielle de la rue doit figurer sur la plaque. Kerlideg est donc l'écriture correcte bretonne pour Kerlidec ( on peut en déduire la mainmise du français pendant un millénaire selon les graphies relevées, pas forcément pour le «mien» car il y a plusieurs Kerlidec en Bretagne dont deux à Quimperlé, en 1426, 1494, 1495, 1525, 1560, 1576, 1607, 1616, 1684, 1739, 1780, 1825, les seules autres formes relevées étant:Villa Lidoc en 1284, et Kerlydec en 1525 ). Et à un moment où personne ne parle plus breton à Quimperlé, à part les anciennes générations, et les professeurs et élèves de l'école diwan, on voudrait imposer l'écriture bretonne ?

Concernant ces plaques bilingues, j'avais déjà relevé certaines anomalies, certaines modifiant la dénomination en français, d'autre pas, mais assez discutables du point de vue traduction, sans parler d'anomalies dont l'occasion aurait pu permettre de rectifier, par exemple la place du Barzaz-Breizh. Au cas où, peut-on rappeler que lors que Théodore Hersart de La Villemarqué, natif de Quimperlé, a publié le Barzaz Breiz ( et pourquoi donc aussi un tiret?) le breton unifié n'existait pas ? Bon, j'ai vu récemment une édition de Coop Breizh, où le titre était affiché avec le zh! J’espère que ces intégristes auront retraduit tout le corps du livre en bon breton. ( en français on écrit bien par exemple roman de Renart, tel que c'était écrit à l'époque, et non Renard ). Même Yann Queffelec, dans son Dictionnaire amoureux de la Bretagne met un zh !

En écrivant ces dernières lignes, je me disais qu'il existe une rue de La Villemarqué à Quimperlé et qu'il fallait y aller voir. Sur les plaques on lit dorénavant: rue La Villemarqué/ straed Kervarker, avec auteur du Barzaz Breizh, avec un H bien sûr ! Rappelons que ce personnage illustre de Quimperlé s'appelait Théodore Hersart de La Villemarqué, que Villemarqué peut être une transposition en français de Kervarker ( et qu'il manquerait tout au moins DE LA ), mais qu'il existe une règle: on ne traduit jamais les noms propres sauf en cas d'usage avéré et régulier dans la langue de traduction ( Firenze: Florence par exemple ). De même la rue de La Tour d'Auvergne, traduite «an Tour d'Auvergne»; faut-il rappeler qu'elle honore Théophile Corret de La Tour d'Auvergne ?
La rue Dom Morice, traduite «Dom Moris», Moris étant la traduction de Maurice, et cette rue honorant Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois, dit Dom Morice, cela laisse aussi perplexe. Et nous arrivons à la rue de Lorient ( Lorient qui faut-il le rappeler est une création française relativement récente ), traduit «straed an Oriant», ce qui peut vouloir dire simplement rue de l'orient ( au sens géographique ) et donc n'a plus aucun sens.

Tant que je suis dans mon quartier, la rue du Roalis est devenue rue/straed Roaliz. En redescendant on tombe ( en passant par la rue de la Résistance, straed ar Resistanz étant assez limite...) sur la rue Jean de Montfort, traduit «Yann Moñforzh», si quelqu'un l'appelé Yann de son vivant ! ... D'ailleurs on ne parle plus breton à la cour de Bretagne depuis Alain Fergent (mort en 1115), et pour cause puisque par la suite sont apparues, les dynasties de Penthiévre, de Plantagenet, de Dreux, et de Montfort ( Monfort-l'Amaury en région parisienne où il ne semble pas que le breton y fut une langue courante). Je viens de m'apercevoir qu'en français c'était orthographié Jean de Monfort, erreur sans doute ancienne ( c'est ainsi sur la liste officielle des rues ), mais dont il aurait été utile de saisir l'occasion pour remettre en conformité.

Autres exemples de rues ayant changé de nom en français: rue de Pont-Aven devenue rue Pont-Aven, à l'inverse, rue Ellé et rue Isole devenues rue de l'Ellé et rue de l'Isole.

Nous avons quand même échappé à une catastrophe: on a laissé place du Bel-Air = plasenn Bel-Air, une commune des environs n'ayant pas hésité à traduire «an aer vat»! (on sait que Bel Air vient du nom du dieu gaulois Belenos)

Alors qu'on traduise en breton pourquoi pas, mais qu'on respecte certaines règles de base: - pas de traduction de noms propres ( sauf usage constant et avéré)
- maintien exact des dénominations en français telles qu'elles ont été établies. (sauf rectification d'erreur manifeste )

Plaques bilingues ( ou pas...)